Justice à Maurice

Quand on est expatrié, la justice à Maurice peut être compliquée à appéhender. Mélange de lois héritées des colons et de lois « autochtones », le système judiciaire mauricien est en effet unique au monde ! Cet article vise donc à vous dresser un tableau global de la justice à Maurice… Tout en vous confiant quelques conseils utiles en cas de problèmes !

Allons-y ! 

Petit historique de la justice à Maurice

Vieille carte Maurice

La justice à Maurice est un héritage direct de son passé colonial. L’île fut en effet une colonie française de 1715 à 1810, avant d’être conquise par le Royaume-Uni et d’obtenir son indépendance en 1968. Les premières lois du pays furent mises en place durant la période française. En 1806, le Code de Procédure Civile fut adopté, puis le Code Napoléon. 

La conquête de Maurice par les britanniques, en 1810, changea la donne. Néanmoins, la reddition de l’île fut proposée à condition que les grands propriétaires français conservent leurs privilèges… Mais aussi que les lois françaises restent en vigueur ! Dans le souci de ne pas se mettre à dos l’élite économique de l’île, les Britanniques acceptèrent. 

Cependant, tout au long du dix-neuvième siècle, les nouveaux colons instillèrent petit à petit des éléments des Common Laws britanniques à la législation existante. Les juges, d’ailleurs, étaient tous Britanniques. L’affaire se compliqua davantage en 1968, lorsque l’île Maurice obtint son indépendance. Le pays adopte à ce moment une nouvelle Constitution, et vote de nouvelles lois modernes : propriété intellectuelle, droit des compagnies, etc.

Ainsi, aujourd’hui, le Code Napoléon est toujours en vigueur à Maurice, tout comme le Code Pénal francais, mixé aux Common Laws britanniques ainsi qu’à ses propres lois.

De nos jours, il est difficile même pour un juriste expérimenté de comprendre toutes les particularités de la justice à Maurice !

Ce que vous devez savoir sur la justice à Maurice

Les expatriés à Maurice sont tenus de respecter la loi mauricienne au même titre que les citoyens du pays. Ils peuvent donc entamer des poursuites, se faire poursuivre, être condamnés à de la prison… 

Rien ne sert de courir en cour de justice à Maurice…

Justice à Maurice lente

En cas de soucis judiciaires à Maurice, il faut être patient… La justice mauricienne peut en effet être extrêmement lente ! Même pour les affaires courantes, vous devrez passer au moins une demi-journée en cour de justice.

En effet, il n’y a pas d’horaires de parution dans les tribunaux mauricien. Il faut être présent à l’ouverture des tribunaux, à 9 heures du matin, et attendre son tour. Il n’est pas rare d’y passer une journée entière ! Beaucoup de Mauriciens ont d’ailleurs le réflexe de prendre une journée de congé en cas de comparution…

Les affaires plus compliquées peuvent quant à elles prendre des années, surtout en cas d’appel ! Imaginons que vous soyez poursuivi ou que vous lanciez une procédure judiciaire contre un tiers. Si l’un des deux partis fait appel du jugement, le dossier passera à la Cour Suprême, la plus haute cour de justice à Maurice. Lorsque la Cour Suprême rendra son jugement, un second appel est possible… Au Privy Council britannique ! Il s’agit du Conseil Privé du Roi, où siègent les Law Lords, les plus expérimentés des juges du Royaume-Uni.

Lorsqu’une affaire passe au Privy Council, il faut souvent compter des années avant que justice ne soit rendue… Entre cinq à dix ans généralement, voire parfois plus ! Même sans appel, la plupart des cas seront renvoyés plusieurs fois avant d’être finalement entendus. Les raisons de ce phénomène sont multiples : manque de documents relatifs à l’affaire, dossiers pas suffisamment préparés, absence d’un témoin, d’un homme de loi, d’un accusé…

Le vocabulaire de la justice à Maurice

À Maurice, on rend la justice dans la langue de Sa Majesté le roi Charles III. Les termes judiciaires pourraient donc vous déstabiliser quelque peu… Surtout qu’ils sont utilisés aussi bien en anglais, qu’en français ou en créole !

Ci-dessous un petit lexique qui pourrait vous être utile 👇

Case : affaire judiciaire

Offense : délit

Warrant : mandat d’arrêt

Law Lords : les juges du Privy Council britannique

Counsel (ou Legal Adviser) : conseiller légal

In-house Counsel : conseiller légal d’une entreprise ou d’un organisme

Proceedings : procédures judiciaires

Attorney General : équivalent mauricien d’un ministre de la Justice. Il s’agit d’un député membre de la majorité parlementaire nommé par le Premier ministre

Chef Juge (Chief Justice) : chef de la Cour Suprême, la plus haute instance juridique mauricienne. Ayant préseance sur tous les autres juges mauriciens, il est nommé par le Président de la République, en consultation avec le Premier ministre

Senior Puisne Judge : Les plus expérimentés des juges mauriciens, dont le supérieur hiérarchique immédiat est le Chef Juge

Directeur des Poursuites Publiques (DPP) : procureur général

Barrister : avocat ayant passé le barreau et pouvant plaider en cour

Attorney : avocat habilité à représenter légalement un client et à le conseiller pour des questions de droit

Avoué (ou sollicitor) : juriste spécialisé dans la rédaction de documents légaux et pouvant plaider devant certains tribunaux. Il ne s’agit pas exactement de la même fonction qu’en France, où un avoué plaidait autrefois en cour d’appel. La fonction a été abolie en France en 2012

Notaire : juriste travaillant pour l’État. Il officialise des documents civils tels que des actes de vente, des droits de succession, des testaments, etc.

Les tribunaux à Maurice 🧑‍⚖️

En cas de litige judiciaire, vous comparaîtrez devant un ou plusieurs tribunaux (si vous faites appel). Voici par conséquent les principales cours de justice à Maurice !

Cour Suprême

La Cour Suprême, située à Port-Louis, fait office de juridiction de première instance et de cour d’appel pour certaines affaires civiles et criminelles. Elle traite les litiges et les réclamations dont le montant dépasse Rs 2 millions. Dans certains rares cas, elle peut également servir de cour de cassation. Elle est composée du Chef Juge, du Senior Puisne Judge et de cinq Puisne Judges.

Cour intermédiaire

La cour intermédiaire fait office de tribunal de première instance pour les affaires civiles et pénales dont les montants ne dépassent pas Rs 2 millions. Il existe plusieurs tribunaux intermédiaires autour de l’île. Les affaires qui y sont présentées sont présidées par des juges appelés magistrats.

Cours de district

Chaque district du pays compte une cour de district : Port-Louis, Rivière-du-Rempart, Pamplemousses, Moka, Flacq, Rivière-Noire, Plaines Wilhems, Grand-Port et Savanne. Les cours de district traitent des affaires pénales dont les montants des litiges ou des réclamations ne dépassent pas Rs 100 000. Pour les affaires civiles, le plafond est fixé à Rs 250 000.  On y comparaît en cas de crimes ou de délits divers, principalement mineurs.

Si vous faites une infraction au code de la route, vous pourrez éventuellement demander à comparaître ou à payer votre amende au tribunal le plus proche de votre domicile (à la discrétion des officiers de police). Dans le cas contraire, vous serez automatiquement assigné à la cour du district où le délit a été commis.

Les cours de districts sont composés de plusieurs divisions : ordonnances restrictives (Protection Orders), Small Claims Procedures (pour les réclamations de moins de Rs 100 000), la Juvenile Court (tribunal pour mineurs), le tribunal de Rodrigues.

Tribunaux spécialisés

La justice à Maurice est également rendue par plusieurs tribunaux spécialisés qui traitent d’affaires particulières :

Cour industrielle 

La cour industrielle, qui comprend également l’Employment Relations Tribunal, traite des affaires légales liées aux droits du travail, à l’emploi, aux litiges commerciaux, aux compensations salariales, ou encore à la santé et au bien-être. Un employé s’estimant floué par son employeur, par exemple, doit d’abord porter plainte au Bureau du Travail. Une rencontre entre les deux partis est organisée, et l’affaire sera logée en Cour Industrielle si aucun accord n’est trouvé. Afin d’encourager les accords à l’amiable et de désengorger les tribunaux, les autorités ont mis en place une Commission pour la Conciliation et la Médiation.

Bail and Remand Court 

Ce tribunal traite les affaires de mise en liberté sous caution et de détentions provisoires. Si une personne est accusée d’un crime à Maurice, la loi prévoit qu’elle soit incarcérée provisoirement, jusqu’à ce que l’affaire soit appelée devant les tribunaux. Pour éviter de trops longues détentions provisoires, la Bail and Remand Court permet à tout accusé de plaider sa cause pour obtenir une remise en liberté provisoire jusqu’au jugement final.

La Bail and Remand Court accorde ou non les libertés provisoires, et fixe les montants des cautions. Seul le Bureau du Directeur des Poursuites Publiques (procureur général) peut s’oppposer à une remise en liberté sous caution, sous réserve de justificatifs. La Bail and Remand Court siège durant les week-ends et les jours de congés publics pour protéger les droits des accusés.

Les Affaires Matrimoniales

Cette division de la Cour Suprême traite des affaires de divorces, de pensions alimentaires et de gardes d’enfants si aucune conciliation n’est possible entre les deux parties. Elle se trouve dans les locaux de la Cour Suprême, à Port-Louis. Toute demande de divorce doit d’ailleurs y être déposée. De même, si un non-citoyen souhaite épouser un citoyen mauricien, il devra jurer un affidavit devant le Maître Greffier (Master Registrar) de la Cour Suprême.

Extradition compliquée 🌍

En cas de condamnation à une peine de prison par la justice à Maurice, sachez qu’il vous sera très compliqué de purger votre peine dans votre pays d’origine, voire quasiment impossible. Il existe bel et bien un traité d’extradition signé entre Maurice et la France, signé en novembre 2022. Pourtant, jamais aucun Français incarcéré à Maurice n’a été extradé, même ceux condamnés à de lourdes peines pour trafic de drogue.

Faire appel aux services d’un avocat

Maurice compte de nombreux avocats. Certains d’entre eux sont spécialisés dans les affaires courantes, criminelles, civiles, industrielles… Leurs tarifs sont variables. En effet, les frais d’avocats varient selon la réputation et l’expérience de l’homme (ou de la femme) de loi que vous choisirez.

Comptez environ 1 200 euros pour les services d’un jeune avocat, et 12 000 euros pour un avocat expérimenté. Si vous souhaitez vous offrir les services d’un des ténors du barreau mauricien, sachez qu’ils ne sont pas accessibles à tout le monde. Vous devrez débourser dans les 75 000 à 125 000 euros !

Vous avez également la possibilité de faire appel à un avocat commis d’office, mais ce service offert par l’État est réservé aux personnes qui ne possèdent aucun bien valant plus de Rs 500 000 (un peu plus de 10 000 euros) et touchant moins de Rs 15 000 par mois (environ 300 euros).

Les notaires

Si vous achetez une propriété à Maurice ou si vous recevez un héritage, par exemple, vous devrez faire appel aux services d’un notaire. Celui-ci s’occupera de la rédaction des documents légaux.

Normalement, le choix du notaire à Maurice revient à l’acquéreur dans le cas d’une transaction immobilière. Le montant des frais de notaire est fixé sur un pourcentage de la valeur du bien acquis.

Pour l’achat d’une propriété hors programmes immobiliers pour résidents étrangers, le calcul des frais se fera ainsi :

  • 2% pour le premier versement de Rs 250 000
  • 1,5% sur les Rs 500 000 suivants
  • 1% sur les Rs 1 000 000 suivants
  • 0,5% de la somme restante

En ce qui concerne les propriétés incluses dans les programmes destinés aux étrangers (IRS, PDS, RES, Smart Cities), les frais s’élèvent généralement à 1% de la somme totale.

Vous devez également ajouter à ces frais 15% de TVA, ainsi que des frais d’agence éventuels.

Pour plus d’informations sur les particularités du système législatif mauricien, en particulier les lois financières et immobilières, nos experts Jason et Anas sont à votre service !

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